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Contrebande

JE POURRAI DIRE que j'ai vu les Tartares déferler de nuit et s'emparer du Transsibérien en gare de Vladimir, sur l'ancien Anneau d'or, le combat homérique d'hommes, de femmes et d'enfants pour résoudre l'impossible équation, la quadrature du cercle : faire entrer dans un train de voyageurs cent fois plus de marchandises que ne pourrait en contenir le plus long train de fret.

Des fringues à la tonne, dégriffées, contrefaites, des blousons en faux cuir, skaï de tous horizons, des milliers de paires de baskets, des Nike de contrebande, de belles imitations de la marque à trois bandes, de l'alcool, des cigarettes, etc. débordent des filets à bagages, s'empilent sous les banquettes, remplissent les trappes du plafond, d'insoupçonnables cachettes tapies sous le tapis du couloir "sanitaire".

 

Et c'est ainsi qu'aux mains des commerçants mongols, le Transsibérien répand la mode de l'hiver prochain dans les villes reculées qui jalonnent la voie ferrée, de loin en loin. Le même manège dans chaque gare : les quais fourmillent de chalands russes qui se pressent contre le train, véritable galerie marchande roulante, pour s'arracher t-shirts et autres fripes seyantes, s'étouffer sous les étoffes qu'ont à peine le temps de leur tendre les descendants de Gengis Khan à la bosse du commerce saillante.

Le tout avec la complicité des hôtesses, la complaisance d'un chef de train qui perçoit son écot pour gâter sa maîtresse en vison et amadouer des douaniers doués pour le business.

Entre Moscou et Oulan-Bator, une famille peut gagner de la sorte jusqu'à mille dollars, soit quatre à cinq fois plus que le salaire mensuel moyen en Mongolie.

Toutes "charges" comprises....

Dans une gare de Sibérie. Le train comme une galerie marchande...
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