Pékin
ET PUIS CE FUT PEKIN, une autre démesure, dragon tentaculaire hérissé de gratte-ciel, dans l'air brûlant et nauséabond d'un après-midi ordinaire, d'un jour ordinaire de Grand Bond, les naseaux écumant de son trop-plein de gaz d'échappement et de pollutions industrielles.
Mao sourit toujours.
Même immense, son portrait tutélaire fait, à l'échelle de la place Tienanmen — la plus grande esplanade du monde et la promesse d'une "Paix céleste" —, tout au plus photo d'identité, polaroïd Pop art pour timonier mégalomaniaque, à tendance paranoïaque.
Un peu plus au nord, la Cité interdite serpente et s'enchevêtre, tortueuse et à ce point ramifiée qu'il n'est pas rare, alors qu'on était un milliard et demi, tout à l'heure, à la porte d'entrée, de se retrouver seul, fût-ce pour un instant, au hasard de ses ruelles ombreuses, de ses maisons de thé, pagodes enluminées et pavillons hantés par les Ming et les Qing.
On sent les Pékinois avides de parler aux étrangers, de se nourrir de mots venus d'outre-Muraille, même quand ils n'ont rien à vous vendre, rien à gagner à vouloir marchander, jusqu'à vous en faire don, les mystères indéchiffrables de l'Orient.
Pousse-pousse, lacs et jardins entrelacés, canards laqués, alcool de riz, ombrelles, pépins et parapluies, chapeaux pointus, fruits défendus, belles en qipao à fleurs, gardes rouges en tenue, ombres qui chinoisent, hutongs qu'on assassine, sacrifiés sur l'autel de la modernité, des Jeux olympiques, Pékin deux mille huit....